Rencontre avec Thom de Corbie, créateur de robes de mariée.

Dans le parcours du créateur Thom de Corbie, la robe est une évidence, depuis toujours. Et plus particulièrement la robe de mariée, il le dit lui-même : le blanc, c'est sa vie ! En 2019, il est le seul lauréat du concours des Meilleurs Ouvrier de France de sa catégorie. Dans sa jolie boutique, située en centre-ville d’Auray, il reçoit les futures mariées pour créer avec elles la robe de leurs rêves 

Nous l’avons rencontré pour découvrir son parcours : de l’enfant qui imaginait des robes pour poupées, au créateur qui habille les futures mariées... 

 

“Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours eu envie de créer des robes de mariées. Enfant, déjà, je dessinais des robes de princesse ! C’est en grandissant que je me suis intéressé plus particulièrement à la robe de mariée. Ma mère avait une poupée, qu’elle avait conservé de son enfance, qui devait mesurer 80 centimètres, quasiment la taille d’un enfant. Quand on faisait le tri des fringues à la maison, je m’amusais à récupérer des morceaux de tissus pour les découper et en faire des robes pour poupée... Tant bien que mal ! (Rires

J’ai passé un BEP Couture Floue en deux ans, cela concerne la couture de matières fluides, donc plutôt les robes de soirée et les robes de mariées. Contrairement au prêt-à-porter qui porte davantage sur les tissus de tous les jours comme les chemisiers etc. Ensuite, j’ai passé un BAC Pro Couture Floue Artisanat et Métiers d’Arts, c’est comme ça que ça s’appelait alors. Aujourd’hui le BEP et le Bac Pro ont été fusionnés en trois ans d’études et c’est devenu industriel, il n’y a plus du tout de création artisanale. J’ai fait partie des dernières promotions à bénéficier de l’Artisanat et Métiers d’Art avant qu’ils ne fusionnent à l’échelle nationale. On apprenait vraiment à travailler à la main, à faire du sur-mesure. La couture est toujours enseignée, mais ils font les patrons sur ordinateurs. Dans un sens, c’est plutôt bien car ils se sont adaptés à la demande du métier, mais on perd un vrai savoir-faire français... C’est un peu triste. Ces formations artisanales existent certainement encore dans de grandes écoles dont le cursus destine à travailler dans les grandes maisons de mode, mais les diplômes de l'Education Nationale ne forment désormais qu’aux techniques industrielles.  

 

J’avais passé le Concours général des métiers, qui est en quelques sortes l’ancêtre du concours des Meilleurs Apprentis de France. Ils prenaient les cent-cinquante meilleurs étudiants en France : chaque lycée envoyait ses meilleurs élèves et il n'en restait que trois à l'échelle nationale. J'avais eu la chance de gagner le premier prix ! Puis j’ai passé un équivalent de BTS dans une école de mode, c’était une formation spécialisée dans le modélisme. Comme c’était en alternance, j’ai travaillé dans une boîte de prêt-à-porter et j'y faisais un peu de tout. J'étais un peu le larbin ! (Rires) J’ai quand même grimpé les échelons car ils se sont rendu compte de mon potentiel créatif, alors je créais les collections avec les autres stylistes. Par la suite, j'ai passé un an dans un bureau d’études à Laval qui travaillait pour Chanel, Louis Vuitton, Hermès, mais la majeure partie de l’activité était pour des créateurs de robes de mariée tels que Rime Arodaky, Marie Laporte et Lambert Création. En allant travailler là-bas, mon objectif était de me rapprocher de la Bretagne, car c’était mon souhait, mais aussi d’avoir une expérience dans la robe de mariée. J’avais fait des stages en Haute-Couture mais la mariée, c’est quand même très spécifique. Avec cette opportunité, je faisais donc d'une pierre deux coups ! Je suis né dans le Nord, à Corbie et la Bretagne m’attirait car j’ai toujours eu un attrait pour l’ésotérisme, la spiritualité, les légendes, les créatures imaginaires etc. J’étais venu en vacances à Rochefort-en-Terre et ça avait été le coup de cœur : en sortant de la voiture j’ai su que c’était là que je devais vivre. Donc j’ai tout fait pour venir m’y installer !

 

J’ai créé l’entreprise en 2016, en arrivant en Bretagne. En 2017, la dame chez qui j’avais fait mon stage de fin d’études en Haute Couture avait reçu le titre de Meilleur Ouvrier de France. Alors je m’y suis intéressé ! C’était un challenge pour moi car je venais juste de créer mon entreprise, finalement je ne savais pas trop où j’allais et, comme beaucoup, j’avais du mal à me sentir légitime. C’était un bon moyen de savoir où j’en étais dix ans après avoir été désigné meilleur étudiant de l’année en couture. Je n’avais rien à perdre ! Je me suis inscrit en 2017 car les inscriptions ouvrent environ trois mois après la fin de la dernière session pour participer à la suivante, en 2019. Le concours dure deux ans, avec une épreuve par année. En couture, on était convoqués sur place pour réaliser une pièce avec des critères techniques imposés. Ceux qui arrivent jusqu’à la deuxième épreuve et qui ont le niveau, c’est à dire au moins 18/20, reçoivent le titre de MOF. Il n’y a pas de concurrence les uns avec les autres, c’est vraiment un concours avec soi-même. Si tout le monde a 18 ou plus, tout le monde reçoit le titre, ce n’est pas Koh Lanta ! (Rires). Mais dans ma promotion, j’ai été le seul à recevoir le titre. Le concours existe depuis cent ans et on est seulement sept Meilleurs Ouvriers de France dans cette catégorie, il n’y a pas de sessions tous les ans. Le concours dure deux ans et hormis les épreuves, c’est beaucoup de travail de préparation sur les différents points techniques qui peuvent être demandés. C’est beaucoup de révision. On connaît une semaine à l'avance le matériel qu'on va devoir apporter, mais on ne découvre le sujet que le lundi matin. Sur la dernière épreuve, on devait réaliser une robe et une veste, complètement doublées, en partant de zéro. Tout doit être terminé le vendredi avant de passer devant le jury. 

Il faut être très endurant, c'est globalement deux fois moins de temps qu'il ne faudrait en réalité pour réaliser ces pièces. Je rentrais le soir et je dormais jusqu’au lendemain matin. C’est très intense émotionnellement. Tu te poses une question, il faut savoir y répondre en deux secondes. Mais c’est très intéressant, il faut réussir à se dépasser dans ces conditions inhabituelles. Aujourd’hui, grâce à ce titre, j’ai une clientèle qui est beaucoup plus attentive à mon travail, qui a réellement conscience de l’investissement qu’il y a derrière les pièces que je propose : la matière, la démarche etc. Elles savent qu’elles auront une robe de qualité. 

 

La plupart des futures mariées savent qu’il faut d’abord prendre rendez-vous pour la création d’une robe, donc elles m’appellent ou m’envoient un mail pour en discuter et savoir comment ça se passe. Quand je suis à la boutique, même si je n'ai pas de clientes, je travaille dans mon atelier et je ne peux pas m'arrêter comme ça. D’autant plus que je veux prendre le temps nécessaire pour les recevoir. Quand elles m’appellent, on discute un moment du projet, on vérifie que je peux bien répondre à leurs attentes etc. Généralement, il y a un bon feeling dès ces premiers échanges. Ensuite, elles viennent à la boutique pour un premier rendez-vous qui dure au moins deux heures. On parle de leurs envies, de la décoration et des fleurs choisies pour le mariage etc. Ça me permet d’avoir une idée de l’atmosphère générale et proposer une robe en accord. Elles essayent les robes de collection que j’ai en boutique pour pouvoir se projeter sur les formes et les matières. Ces robes, que je propose dans mes collections, ce sont mes propres inspirations, pour pouvoir exprimer ma créativité, mais c’est une bonne base pour les essayages. Et cela leur permet de voir ce qui leur va ou pas, car parfois il y a un décalage entre les envies et la réalité : finalement elles préféreront des manches ou un décolleté différent de ce qu’elles avaient en tête. Les mariées arrivent généralement avec une idée préconçue de ce qu’elles aiment, et c’est bien normal, mais finalement une fois la robe portée il arrive qu’elles changent d’avis. Moi, je les accompagne dans ces choix !   

Environ un mois après les essayages, on se revoit et je leur propose trois croquis différents. Ce délai me permet de laisser germer des idées et de leurs proposer plusieurs choses en fonction de ce qu’on s’est dit, de ce qu’on a vu pendant les essayages. Il y a un croquis qui reprend précisément ce qu’on a vu ensemble : la forme du décolleté, de la jupe etc. Et je propose deux déclinaisons, avec des détails différents, parfois une petite chose inattendue. J’ai besoin de prendre le temps et de réfléchir pour réaliser mes croquis, je n’aime pas les faire à chaud, je préfère laisser reposer un peu. Et je présente les devis en même temps que les croquis. Mais dès le premier rendez-vous je donne une fourchette du prix de la robe, je préfère être transparent. Je m'adapte au budget de la cliente si elle est dans ma fourchette de prix, mais je ne peux pas brader mes créations. Le sur-mesure a un certain coût, c'est certain, ainsi que les matières de qualité. Une fois que le devis est signé, je prends les mesures et on fixe trois nouvelles dates d’essayages. Il y a l’essayage de la toile en coton, qui permet de faire les retouches esthétiques et techniques et les essayages suivants dans le tissu choisi: la robe en cours de confection et la robe terminée. Elles peuvent récupérer leur robe après le dernier essayage, mais je peux aussi la garder pour qu’elles viennent la chercher la semaine du mariage. 

Après le mariage, j’ai quelques messages sympas des mariées mais malheureusement ce n’est pas toujours le cas. Je trouve ça vraiment dommage car je m’investis énormément dans ces créations et je pense qu’elles n’en ont pas toujours conscience. J’y mets vraiment toute mon âme ! Certains ont une vision de nos métiers assez superficielle, mais moi j’ai réellement l’impression, au-delà de la création d’une simple robe, d’habiller des âmes. Mon objectif est de faire ressortir une personnalité, faire éclater la lumière qu’il y a en chacune d’elles. Donc c’est toujours un peu décevant de ne pas avoir de retour.

 

Quand je crée, j’écoute toujours de la musique qui me permet de me mettre dans un mood particulier. J’écoute beaucoup de Denez Prigent, c’est très mélancolique avec une connotation fantastique, mystique, et Lana Del Rey, évidemment ! J’ai vraiment besoin de ça pour créer, j’ai besoin d’être triste. (Rires) C’est vraiment le cliché de l’artiste au bout de sa vie ! (Rires) Je ne sais pas l’expliquer, c’est assez bizarre, mais je fonctionne comme ça. Dans mon atelier, qui est sous la boutique, je suis dans ma bulle, coupé du monde et j’aime travailler comme ça.

En dehors des robes que je crée pour les futures mariées, mes collections me permettent d’explorer différents univers, mais il y a toujours un lien entre elles. Ma collection “Les Nymphes” m’a permis d’exprimer ma véritable démarche artistique, mon attrait pour le surnaturel et le légendaire, ce que je faisais moins avant, car je n’assumais pas forcément. Ensuite, il y a eu “Les Sirènes”, c’est comme ça que j’ai commencé à explorer les différentes légendes et les différents éléments. Je travaille beaucoup avec la photographe Élodie Gentit, qui shoote toutes mes collections. C’est mon amie, elle me donne son avis, et quand elle en a besoin, elle me sollicite également. C’est vraiment bien de pouvoir compter sur quelqu’un pour un avis objectif. 

J’avais fait une collection Curvy il y a quelques années, avec des robes qui allaient jusqu’à la taille 52. Mais cette collection n’avait pas touché les clientes plus rondes. Maintenant que je me suis spécialisé dans la robe sirène, j’ai principalement des demandes pour ce type de robes : ce sont des femmes qui ont les morphologies pour porter ces pièces, donc plutôt entre les tailles 36 et 40. Elles veulent des choses plus près du corps, alors malheureusement ça a filtré les femmes rondes. Mais j’aime habiller des femmes qui ont des courbes, je les trouve magnifiques. 

 

Si je devais donner un conseil à une future mariée dans le choix de sa robe, ce serait d’abord d’avoir conscience de la valeur d’une création sur-mesure, pour ne pas tomber de haut : c’est une cinquantaine d’heures de travail, des matières premières nobles donc coûteuses. Ces tissus représentent déjà un quart du prix de la robe. En prêt-à-porter, le coût est moindre mais la marge est beaucoup plus importante, nous on compte aussi de nombreuses heures de travail. La robe n’est pas qu’un prix, c’est aussi tout un savoir-faire artisanal...et elle sera unique ! 


Les prestataires recommandés par Thom :

  • Élodie Gentit : Photographe, “Forcément ! C’est mon amie et je travaille beaucoup avec elle. J’aime le personnage et son travail, il y a eu un petit coup de foudre amical et professionnel. On est très connectés.”

  • Marie Blin Makeup : Maquilleuse, “Elle est hyper douée, autant sur des maquillages mariées que des maquillages artistiques.”

  • Vintage Events : Location de décoration et scénographie, “J’ai rencontré Emmanuelle quand j’ai créé l’entreprise, elle a été adorable dès la première seconde. Je suis amoureux des objets anciens alors j’ai eu un vrai coup de coeur pour son travail !”

  • Dessine-moi un cake ! : Wedding cake, “Ils sont vraiment super, je les adore !”

  • Kool and the cake : Biscuits personnalisés, “C’est super joli ce qu’elle fait !”

  • Reine et Rose : Fleuriste, “J’ai travaillé avec elle sur plusieurs shootings et j’adore ce qu’elle fait.”

  • Blanc Bleu Rêve : Fleuriste.

  • S Flower Bomb : Fleuriste.

  • Les Arches de la Ria : Lieu de réception, “C’est en pleine construction, il va y avoir une orangerie sur la Ria d’Etel !”

  • Les Fleurs de Maëlenn : Bijoux," Elle fait des bijoux en cire en fleurs d'oranger, elle est en train de créer une collection spéciale mariées.”


Thom de Corbie


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Photos du showroom par Mathieu Alemany.