Rencontre avec Adeline Grelaud, bijoutière et joaillière de La Bijouterie Éthique.
Après plusieurs années d’expérience en bijouterie, Adeline traverse une période de doutes et de remise en question : son métier n’est plus en accord avec les valeurs qui lui tiennent à cœur. Au cours d’une pause nécessaire dans sa carrière, elle découvre le label Fairmined dont les pratiques éthiques correspondent à sa vision. En 2019, la jeune femme ouvre sa propre boutique dans le centre de Rennes, La Bijouterie Éthique.
Juste avant Noël, nous avons rencontré Adeline pour découvrir son histoire, et en apprendre plus sur l’or Fairmined...
“Après mon bac général, je voulais m’orienter vers la mode, le stylisme, mais je n’ai pas été prise dans les Mises à Niveau en Arts Appliqués qui étaient nécessaires pour intégrer les BTS qui m’intéressaient. Alors j’ai étudié un an en IUT Gestion des Entreprises et des Administrations, en attendant de pouvoir repostuler l’année suivante. Et cette année-là, je me suis remise à faire des colliers de perles, très basiques, comme je faisais plus jeune. C’est à cette période que j’ai rencontré quelqu’un qui avait travaillé en bijouterie, et j’ai réalisé que, finalement, ce domaine m’intéressait plus que la mode. J’ai décidé d’arrêter mon DUT, et je suis entrée dans une école de bijouterie à Saumur. J'ai fait un CAP Bijouterie-Joaillerie en un an, puis un Brevet des Métiers d’Arts en apprentissage pendant deux ans. C’est pour mon apprentissage que je suis venue à Rennes, car je suis originaire du Berry. J’ai découvert la ville, et je l’ai tout de suite aimée ! Suite à ma formation, j’ai trouvé un CDI, alors je suis restée et j’ai continué à apprendre mon métier. J’ai eu la chance de travailler dans une entreprise qui était très formatrice, on faisait de la sous-traitance pour des antiquaires ou des chaînes de bijoux : de la réparation et parfois de la fabrication pour certaines bijouteries. Aujourd’hui, ça fait onze ans que je suis dans le métier !
J’ai toujours voulu m’installer à mon compte. Déjà, quand j’ai commencé la bijouterie, j’avais envie de pouvoir vendre mes créations un jour. Mais ça remonte même à bien avant : quand j'étais petite, vers huit ou neuf ans, on faisait des colliers de perles avec mes voisins et on les vendait dans les mini-brocantes du quartier ! (Rires) C’est anecdotique, mais je pense que c’est quelque chose qui m’a toujours suivie ! Pour me lancer seule dans la bijouterie, je voulais avoir assez d’expérience et me sentir prête. Je crois aussi que j'arrivais au bout du salariat. Le problème ne venait pas du tout des entreprises dans lesquelles j’ai pu travailler, c’est juste moi qui avais envie d’aller dans le sens que je souhaitais. C’est ce que j’ai fait en créant la Bijouterie Éthique, et ça m’a permis de redécouvrir des aspects de mon métier que je ne voyais plus en étant salariée dans un atelier. Maintenant, j’ai tous les projets créatifs, avec les croquis, la recherche, mais aussi le contact avec les clients que je trouve hyper important. Ce sont des choses que j’ai découvertes ou redécouvertes.
Quand j’ai décidé d’ouvrir la boutique, forcément je suis passée par une période de doutes. Je n’avais pas complètement le soutien de ma famille qui m’a vue refuser un CDI ! (Rires) Après plusieurs années d’expérience en bijouteries, est arrivé le moment où j’ai eu besoin de me remettre en question : mon travail ne collait plus avec mes valeurs. L’été qui a suivi j’ai travaillé dans une cueillette, j’avais vraiment besoin de faire autre chose, de tout remettre à plat. C’est à ce moment-là que j’ai connu le label Fairmined et que j’ai découvert qu’il existait de belles initiatives. Je trouve que c’est important de les faire connaître ! Pour moi, c'était en ouvrant ma bijouterie que je pouvais y contribuer, c’est ce qui m’a beaucoup motivée aussi. Mais ça n’a pas été simple ! Il faut travailler sa légitimité déjà (rires), et puis le plan comptable, comment trouver des clients, des financements, le local... C’est une sacrée aventure d’ouvrir une entreprise ! Et j’ai eu un gros coup de cœur pour cette boutique. Pourtant ça n’avait rien à voir quand je l’ai visitée, c’était un barbier avant ! (Rires) Mais j’ai réussi à me projeter sans problème, j’aimais beaucoup la devanture en bois et la disposition du local : la vitrine, la partie boutique et l’atelier derrière. J’ai ouvert en 2019, et il y a eu un bon accueil dès le départ !
Fairmined, c’est un label qui garantit la traçabilité de l’or et les conditions d’extraction. On est peu nombreux à être certifiés car c'est assez contraignant. On paye nos matières premières entre 20 et 30% plus cher pour le gramme d’or, donc ça fait forcément monter le prix final. Je reçois l’or sous forme de petites billes, que je fonds pour faire de petits lingots et les utiliser ensuite comme je le souhaite. J’ai un peu plus de travail en amont, mais j’adore ça. Quand j’ai créé l’entreprise, c’était hyper important pour moi d’être en accord avec mes valeurs. Je souhaitais vraiment qu’elle soit à mon image, je ne voulais pas faire les choses à moitié. L’extraction d’or et de pierres, c’est très “noir” : entre le mercure, et l’orpaillage illégal... L’orpaillage c’est l’extraction de l’or, en Guyane par exemple ce n’est pas du tout contrôlé : ils détruisent des parties entières de forêts, ils balancent du mercure et des produits chimiques. Après ça il n’y a plus rien, plus de faune, plus de flore. C’est une catastrophe pour l’environnement. Dans certains pays, les populations qui ont besoin d’argent utilisent le mercure pour trouver de l’or dans des cours d’eau où ils pêchent eux-mêmes, de très graves maladies se développent à cause de ça. Et c’est vraiment un cercle vicieux, ils font ça pour gagner de l’argent et vivre, mais ils s’empoisonnent. Avec Fairmined, on essaie de mettre en place un processus qui protège l’humain qui va extraire mais aussi son lieu de vie, l’environnement. Actuellement, il y a six mines labellisées qui sont basées principalement au Pérou et en Colombie. Mais un jour, il n’y aura plus d’or dans ces mines, alors en prévision, avec l’argent récolté ils plantent des caféiers en commerce équitable pour pouvoir continuer à vivre après. La reforestation de la mine est évidemment prévue aussi. Cet argent permet également de construire des hôpitaux, des écoles, etc. C’est difficile à réaliser, en tant qu’occidentaux, que la vie peut être si difficile.
Il y a de plus en plus de petites initiatives qui se mettent en place tous les ans. Avec Fairmined, chaque année on réexamine tous les points pour voir si chacun est respecté, afin de revalider la certification. Donc c’est contraignant et c’est ce qui explique qu’il y ait aussi peu de mines, mais c’est aussi ce qui fait le sérieux du label. Le prix des matières premières Fairmined est plus élevé, mais j’essaie de limiter la répercussion sur le prix de vente des bijoux. L’idée c’est quand même de rester accessible !
En France on est une cinquantaine de licenciés Fairmined. Je paye chaque année pour cette licence, qui me permet de me fournir auprès d’un fournisseur labellisé également. Tous les licenciés sont répertoriés sur le site. Pour les pierres, en revanche, il n'y a pas de label… Il y a encore beaucoup de choses à faire de ce côté-là. Quand on connaît le pays d'extraction, c'est déjà bien. Moi je travaille avec une lapidaire de Rennes qui utilise des pierres recyclées. Mais globalement,c'est encore compliqué pour les pierres malheureusement.
Quand je crée des bijoux, je m’inspire vraiment de ce qui me passe par la tête, j’ai réalisé plusieurs collections : Feuilles de Chêne, Je marche sur la Lune et les Précieuses. “Feuilles de chêne”, c’est vraiment ma collection signature, et c’est le symbole de la boutique. Quant aux Précieuses, ce sont toutes les bagues de fiançailles, les bijoux avec pierres etc. Et je travaille en ce moment sur des collections plus insolites. Mais je fais principalement du sur-mesure, c’est pour ça que j’ai assez peu de vitrines. Je travaille beaucoup sur commande pour des bijoux personnalisés, il arrive aussi qu’on prenne comme base un bijou d’une collection et qu’on le modifie. Les gens ont besoin de visualiser donc c’est bien d’avoir des modèles différents à présenter. Les collections me permettent à la fois de me faire plaisir en stimulant ma créativité et d’avoir toujours des choses à montrer, pour avoir un roulement. Je fais également de la transformation de bijoux, souvent ceux des grands-parents qui sont restés dans les tiroirs, des grosses pièces comme des chevalières ou des gourmettes. On trouve une idée et on recrée quelque chose au goût du client. Ça permet aussi de garder une transmission familiale, ce sont des bijoux qui ont été portés par d’autres avant et qui seront transmis ensuite. Parfois des mariés m’apportent un bijou et me demandent de créer des alliances avec, ça permet aussi de réduire le coût.
Je reçois régulièrement des futurs mariés pour leurs alliances et souvent, j’ai déjà réalisé la bague de fiançailles. Il peut s’agir d’un modèle existant dans mes collections, ou d’une création sur-mesure. Généralement les hommes ne savent pas du tout ce qu’ils veulent offrir ! (Rires) Certains ont une photo et on s’en inspire pour créer un bijou, d’autres viennent et me disent : “Bon, il me faudrait une bague mais je ne sais pas comment !” Alors on détermine ensemble s’il faut une pierre, de couleur ou non, etc. Et on construit le bijou pas à pas. Souvent je commence par montrer ce que j’ai en boutique et je leur demande ce qu’ils aiment, ce qu’ils n’aiment pas. Ça me permet d’identifier leurs goûts. Si on n’arrive pas à se décider, je peux aussi faire des croquis ou montrer des modèles de bagues que j’ai réalisées : tout ce qui peut inspirer. Je trouve ça hyper intéressant cet accompagnement ! Mais c’est très dur pour les clients de visualiser et de se décider sur un modèle. Certains n’y arrivent pas du tout, et d’autres me font complètement confiance ! Ça prend du temps, c’est beaucoup d’écoute, il faut être force de proposition. Et il faut laisser mûrir les idées. Pendant quarante minutes je les inonde un peu d’informations concernant le label, le titrage des métaux, etc. (Rires) Donc je leur dis de prendre leur temps. Après la signature du devis et le versement de l’acompte, il faut compter environ deux mois pour la réalisation de la bague. Ensuite, ils viennent à deux choisir leurs alliances. Je propose des modèles qu’ils peuvent personnaliser, je peux également créer des alliances sur-mesure et faire les gravures.
Si je devais donner un conseil à des futurs mariés pour la création d’une bague sur-mesure, la première étape serait d’oser franchir la porte de la boutique et rencontrer le bijoutier. Je pense que c’est très important de se sentir vraiment à l’aise avec la personne que l’on a en face de soi. Si on ne le sent pas, il ne faut pas forcer, c’est juste que ça n’est pas la bonne bijouterie ! Et il faut se laisser le temps : ça prend du temps de visualiser, ça prend du temps de faire des choix. Autant pour les clients que pour moi d’ailleurs : il m’arrive d’avoir de nouvelles idées quelques jours plus tard et de faire de nouvelles propositions. Il faut être patient et bien communiquer ! Après, c’est aussi mon travail d’analyser le style de la personne, ses goûts, sa façon d'être etc.
Aujourd’hui, j’adore mon métier, je suis hyper contente ! Ça me plaît d’avoir plusieurs casquettes et de pouvoir faire un bijou de A à Z : accueillir le client, dessiner, créer le lingot, le mettre en forme, scier, limer, la mise en pierre, le sertissage... C’est varié et j’ai trouvé mon équilibre ! J’aime pouvoir gérer mon temps, c’est vraiment la liberté !”
Les prestataires recommandés par Adeline :
Embruns de Folie : Wedding Planner, “Laure-Anne est hyper sympa et dynamique !”
Petits Points de Tout : Wedding Planner & Designer, officiante de cérémonie laïque, “Alexandra est super et très à l’écoute.”
Mael Photography : Photographe, “Il est à l’écoute et ses photos sont vraiment authentiques.”
Jonas Pourcel : Photographe, “Il est très sympa et ses photos sont très poétiques !”
Zei Photographie : Photographe, “Elle a un style vraiment différent, une patte à elle.”
Manoir de la Fresnaye : Lieu de réception, “La salle est vraiment très jolie !”
Crédit Photo : Mathieu Alemany