Rencontre avec Morgan, créatrice du studio floral Lily Pili.
Au cours de l’année 2020, ponctuée de rebondissements, Morgan a un déclic et lance sa propre activité d’artisan fleuriste. Après des années d’expériences formatrices et variées, elle crée « Lily Pili » : un studio privé de créations florales à Rennes. « Lily Pili », en référence à une plante australienne mais aussi à un quartier de Sidney. Bien installée dans un joli fauteuil vintage, entre Dark Vador et Mick Jagger, la pétillante Morgan nous explique ses choix, ses doutes, sa vision de la vie et des fleurs…
« J’ai grandi dans la région, à Vitré, et je suis partie vivre à Toulouse juste après le Bac. Honnêtement, je ne savais pas du tout ce que j’allais faire, je pensais à un IUT Info-Com, j’avais plein de trucs en tête. Finalement, je me suis inscrite en fac mais je me suis rendue compte assez vite que je n’étais pas du tout à ma place. À 20 ans, je me demandais ce que j’allais faire, j'enchaînais les petits boulots sans intérêt. Mais je savais que je voulais travailler de mes mains. Je le savais, c’était une certitude. Mon papa était menuisier de formation, il nous a transmis ce truc de savoir faire quelque chose de nos mains. La fleur s’est présentée un peu comme une évidence.
J’ai passé mon CAP en deux ans, dans une boîte qui m’a formée, c’était chouette. J’ai commencé un Brevet Professionnel, que j’ai arrêté en cours de route. Je voulais partir, voyager, donc après six ans à Toulouse, je me suis dit que c’était l’occasion et je suis partie en Australie ! J’y suis allée en tant que fille au pair, j’ai passé un an là-bas et j’ai trouvé un travail de fleuriste en parallèle. C’était très chouette, et c’était aussi l’opportunité de travailler complètement d’une autre manière. Ça n’avait rien à voir avec ce que j’avais pu apprendre ou voir en France, que ce soit dans le style, dans les fleurs et même dans la façon de travailler. C’est le genre de moment où il faut déconstruire tout son apprentissage et « ré-apprendre ». Il y a pas mal de fleurs exotiques, qui ont des têtes vraiment énormes, très rigides, très rustiques. Donc on travaille beaucoup les « masses », les variétés. Et là-bas, par exemple, c’est normal de dépenser 200€ pour un bouquet. C’était marrant cette façon de travailler, c’est quelque chose que je n’avais jamais fait.
Puis je suis rentrée en France, où il a fallu retrouver du travail. Donc je suis passée par de l’intérim, rien à voir avec les fleurs, je me suis retrouvée à emballer des croissants, des surgelés… le job alimentaire par excellence (rires)! Et j’ai postulé à une offre d’emploi pour travailler chez Le Naturel, un fleuriste à Vannes. J’ai été embauchée par Émilien et je suis restée deux ans là-bas. J’ai tellement appris avec lui sur les mariages ! C’était passionnant ! C’est quelqu’un qui est jeune, il a 28 ans, il est moderne. Il a ouvert il y a cinq ans, c’est une référence pour le mariage en Bretagne. C’était super intéressant de bosser avec lui. On faisait soixante mariages par été à deux (parfois avec de l’aide), d’avril à novembre, donc de grosses saisons. Il y avait parfois jusqu’à quatre mariages en un week-end !
Et je suis partie vivre à Rennes, je ne savais pas trop ce que j’allais faire, j’étais un peu paumée. Je n’avais pas très envie de retourner travailler chez un fleuriste après avoir bossé chez Émilien ; je savais que je ne retrouverais pas la même chose. A Vannes, j’avais une qualité de vie incroyable : j’habitais juste à côté de la boutique, j’avais des conditions de travail parfaites et je m’entendais tellement bien avec Émilien… J’ai failli me réorienter vers la puériculture. Et puis l’été est arrivé, j’en ai bien profité après le confinement, j’ai fait le tour des amis partout en France.
Et là je me suis dit qu’il fallait que j’essaie de faire un truc toute seule, que c’était peut-être le moment, que je n’avais rien à perdre. J’avais cette envie de me prouver des choses à moi-même : est-ce que je suis capable de créer quelque chose ? Est-ce que ça peut plaire ? Je me suis lancée en plein pendant le deuxième confinement, à l’automne, et ça a super bien démarré ! Les gens ont été hyper réceptifs. Après, il y a eu pas mal de salons où je devais présenter mon travail qui ont été annulés à cause des confinements. Mais aujourd’hui j’ai quand même des devis, quelques mariages cet été donc c’est super ! Et puis des collabs assez sympa, par exemple avec Elisabeth Lein qui est photographe. Elle m’a demandé de venir fleurir une séance autour de familles avec des enfants porteurs de handicaps (comme Carole, la maman de l’Extraordinaire Marcel) . Ça m’a permis aussi de rencontrer du monde, de sortir du studio.
Donc je suis plutôt contente pour l’instant, j’ai des beaux mariages prévus pour cet été, dans des beaux domaines, des jolies choses. Et j’ai de la chance, Emilien m’a donné des contacts etc. pour la première année, c’est super !
À terme, j’aimerais bien avoir une boutique. Même si ça a aussi son lot d’inconvénients : c’est beaucoup de responsabilités, beaucoup de charges, d’investissements etc. Et puis j’apprécie le contact avec les clients, mais je me rends compte avec les années que j’apprécie aussi beaucoup les moments de calme, ces moments de travail en studio. Surtout pour les fleurs séchées où je prends le temps de faire les choses, je suis concentrée dans mon petit cocon. Et ça c’est trop cool ! Surtout que je me déconcentre très facilement (rires), donc ne pas avoir de stimulation extérieure, ça me cadre un peu ! Mais finalement après avoir travaillé un an comme ça, ça me manque aussi de ne pas avoir de contact avec les clients, ça fait partie du travail de commerçant. Donc je suis prête à retrouver ça, mais je ne me mets pas trop la pression pour l’instant, je laisse venir les opportunités…
Concernant les futurs mariés, il y a d’abord une première prise de contact, par mail ou téléphone. Puis j’essaye de les rencontrer pour échanger sur ce dont ils ont besoin, envie, en termes de couleurs, de thème s’il y en a un, mais aussi sur le nombre d’invités, le budget…, les infos pratiques et logistiques. Suite à ça, je leur propose un devis. Et le jour du mariage, soit ils viennent récupérer leurs fleurs, soit c’est moi qui les installe. Ça dépend du temps qu’ils ont, et du budget aussi parce qu’il faut ajouter des frais kilométriques, des frais d’installation.
Pour l’installation, j’y vais la veille au soir ou le matin, ça dépend du lieu. Par exemple, j’ai un mariage au Domaine de la Chasse à Iffendic et ils m’ont proposé de tout créer sur place. Ils ont des écuries dans lesquelles je peux avoir de l’espace pour travailler et tout garder au frais avant l’installation du samedi. S’il y a une cérémonie laïque ou religieuse, c’est un peu sportif pour moi : il faut tout poser à l'église avant que tout le monde arrive, et puis tout enlever parce qu’il y a parfois plusieurs mariages le même jour. Parfois les wedding planner me donnent un coup de main ! Mais ce sont des moments trop chouettes, c’est du bon stress, de l’adrénaline… J’adore ! Et une fois que tout est installé, pour moi c’est terminé, les mariés n’ont plus qu’à célébrer leur amour ! Même s’il arrive que je revienne le lendemain pour désinstaller une arche par exemple.
Ce qui me plait, quand je travaille avec des futurs mariés, c’est que c’est un moment hyper intime. Logiquement on ne se marie qu’une fois, donc le fait que quelqu’un me fasse confiance, c’est top. Je me sens investie d’une mission, je ne veux pas me louper ! Au-delà du côté financier et de l’aspect commercial, ils me font confiance pour un moment important de leur vie, c’est tellement gratifiant ! Humainement c’est fort, je vais être témoin de ça et je vais pouvoir retranscrire ce qu’ils aiment, ce qui les inspire. C’est mon boulot de transmettre tout ça dans les fleurs.
A l’opposé, j’ai la même réflexion quand je fais une pièce de deuil : je m’investis, je fais preuve d’empathie, j’essaye de recevoir ce que les gens me proposent. Les couleurs, les inspirations… j’essaye d’être complètement intègre pour les retranscrire au mieux et garder ce côté émotionnel. Je veux faire les choses bien, dans le respect.
C’est un parallèle un peu extrême, mais on est obligé de faire preuve d’empathie dans les deux cas. Mais ça, je pense que c’est aussi le travail de tout commerçant : savoir analyser le client lors des échanges. Si c’est quelqu’un qui peut avoir l’air angoissé, il faut savoir le rassurer… ou à l’inverse ça peut être quelqu’un qui a totalement confiance et te laisse carte blanche. C’est ce qui est passionnant aussi, il y a une palette de personnalités qui correspond à une palette d’émotions à transmettre par les fleurs. J’ai une approche hyper émotionnelle, je m’investis beaucoup avec mes clients. Je trouve que c’est la base de l’humanité ! Si on s’arrête à l’aspect financier, pour moi ça n’a pas d’intérêt. La fleur, c’est un très beau produit mais dont on peut se passer : ce n’est pas quelque chose d’essentiel en soi mais ça apporte tellement ! Les fleurs, ça fait partie du processus de la vie. C’est un peu pété ce que je vais dire (rires), mais je les compare souvent à des petits animaux : parce qu’elles n’ont rien demandé, elles sont là, surexploitées, il faut avoir un minimum de respect. C’est comme ça que je l’exprime.
Ce qui me ferait bien kiffer je pense, ce serait de bosser en Angleterre, à l’étranger, sur un mariage un peu fou. Ou un événement autour de la musique, un festival. Ce serait vraiment le kiff ultime, fleurir un festival. Ou un mariage en plein désert. L’horreur pour les fleurs mais rien que pour le défi ! Et les photos peuvent être vraiment complètement folles !
Ou juste bosser avec des gens un peu barrés ! Pour sortir de sa zone de confort. Et puis c’est toujours passionnant les gens hauts en couleur avec des personnalités atypiques. Ça peut être très très cool…
Moi je suis quelqu’un d’un peu « brouillon », dans le sens où je ne respecte pas toutes les règles de l’art floristique, je fais les choses au feeling… Un ensemble bordélique, mais structuré d’une certaine manière, avec un équilibre couleur/végétaux/textures qui me correspond.
Si je dois donner un conseil aux mariés, ce serait de ne pas se marier le week-end de la fête des Mères (rires) ! C’est assez stressant pour les fleuristes. Et si vous avez une idée précise d’un fleuriste pour votre mariage, c’est bien de s’y prendre à l’avance. Plusieurs mois à l’avance si ce n’est un an avant en fonction aussi de la renommée du fleuriste !
Et la plupart du temps les mariés ne connaissent pas le prix des fleurs, donc il faut être un peu réaliste et conscient du prix des fleurs parce que ça peut être une mauvaise surprise. C’est un énorme travail donc il faut aussi ajouter le prix de la main d’œuvre, les frais d’installation, les frais kilométriques parfois. On ne s’en rend pas vraiment compte donc c’est bien de se renseigner un peu en amont pour ne pas tomber des nues face au prix. »
Les prestataires recommandés par Morgan:
Le Naturel : fleuriste, “ Émilien est très pro, talentueux et sympa !”
Le Sous-Sol : restaurateurs, “pour des petits mariages et retours de noces.”
Delicatessen Bakery : traiteur et wedding cakes, “Christelle fait les meilleurs gâteaux du monde et ils sont trop beaux !”
Mathilde Bruand : photographe, “elle est très talentueuse".
Nocerali Studio : photographe, “Caroline a beaucoup de talent aussi”.
La Maison Pétales : créations de fleurs séchées
Clara Mottin: fleuriste
Lou et ses ciseaux: coiffeuse, “très moderne, très à l’écoute”.
Le Salon d’Edith, à Vitré: salon de coiffure, “approche moderne et de bon goût”.
Château de Beaussais : lieu de réception, “un domaine magnifique, le charme de l’ancien lié à la modernité!”
Le Domaine de la Chasse : lieu de réception, “une orangerie magnifique et des propriétaires adorables”.
Un jour, une Étoile : wedding designer.
Photos par Mathieu Alemany.