Rencontre avec Sandrine Queignec, créatrice des bijoux Sissi100fils.

Pendant quinze ans, Sandrine a accompagné des porteurs de projets dans la création de leur entreprise. Un métier qui l’a passionnée, jusqu’à ce que l’envie de se lancer elle-même et le besoin de renouveau se fassent de plus en plus forts. L’idée lui est apparue comme une évidence : elle allait créer sa marque de bijoux ! Sans prendre de risque, mais déterminée, elle se lance alors dans la création de bijoux raffinés. Nous avons rencontré Sandrine dans sa jolie boutique aux teintes douces pour découvrir son parcours.

 
 

« Avant de commencer l’aventure Sissi100fils, je travaillais dans le développement local du Pays de Morlaix, dans une structure qui regroupe différentes collectivités, avec des élus, des acteurs de la société civile. Ma mission était de faire de l’aménagement de territoires, rien à voir avec les bijoux! Si ce n’est l’aspect “gestion de projets” : on avait des idées, on créait des groupes de travail, on faisait du prototypage, et on générait de nouvelles idées en parallèle. Ce côté “gestion de projet”, je le trouvais vraiment chouette. Puis la structure a évolué, mes missions ont changé et j’ai dû lâcher complètement cette partie qui me plaisait tant, ça m’a vraiment manqué. Et, forcément aussi, je ressentais une certaine lassitude après quinze ans. Au niveau personnel également, plusieurs projets n’avaient pas abouti. Donc le 31 décembre 2016, j’étais déprimée, je ne me voyais pas de perspective : 2020, 2025, 2030, 2040, 2050, la retraite… l’angoisse ! Je me suis dit qu’en 2017, il fallait vraiment qu’il se passe quelque chose. Depuis plusieurs mois j’avais repéré, notamment sur Pinterest, des créatrices qui faisaient du tissage de perles japonaises. Je trouvais ça très beau et j’ai pensé qu’il fallait peut-être que je m’y mette, que je m’achète un métier à tisser etc. Une semaine après, j’allais à Paris pour le boulot, j’avais repéré des adresses de vente de perles, d’accessoires et j’ai acheté le nécessaire. Je suis sortie de là, j’ai appelé ma sœur en lui disant : « Je vais créer une marque de bijoux ! Et ça va s’appeler Sissi100fils ! ». Je n’avais même pas encore créé un seul bijou, c’était sorti comme ça ! (Rires)

Mine de rien, trois mois après, je vendais mes premiers bijoux chez Patchouli, la parfumerie juste à côté de la boutique. Alors j’ai créé l’entreprise, j’ai lancé tout ça très rapidement. Depuis des années, quand j’accompagnais des porteurs de projets, que ce soit dans le domaine associatif ou de la création d’entreprise, j’avais souvent la frustration de ne les accompagner qu'au moment où ils avaient l’idée ; quand ils avaient obtenu des financements, le projet se lançait et nous on disparaissait. Et c’est quelque chose qui me faisait envie : avoir mon petit projet perso, aller au-delà de l’accompagnement. Finalement, c’est quelque chose que j’avais en moi depuis longtemps, ainsi que le côté manuel : petite j’étais toujours en train de bidouiller quelque chose. Donc fabriquer des bijoux et créer une entreprise, ça s’est un peu présenté comme une évidence. Et comme j’avais mon travail à côté, au début je n’avais aucun objectif, si ce n’est le plaisir de faire quelque chose par moi-même !

 
sissi-13.jpg
 

La patronne de Patchouli était une amie de ma sœur, j’avais créé une première collection qu’elle avait trouvé chouette, donc elle m’a acheté mes premiers bijoux pour les vendre dans sa boutique. En parallèle, j’ai créé mon premier e-shop, j’ai commencé à avoir des ventes en boutique, j’ai fait quelques marchés. Au bout d’un an, je suis passée à 80% à mon poste, puis j’ai quitté mon boulot il y a deux ans. J’ai commencé par prendre un congé sabbatique d’un an, pour prendre le temps de m’assurer que c’était ce que j’avais envie de faire tous les jours, j’avais encore un doute. Et au bout de six mois, c’était vraiment une évidence : j’avais le sourire tous les matins en me levant, c’était vraiment trop chouette ! Depuis, j’ai ouvert ma première boutique, qui était juste à côté de la boutique actuelle, elle était toute petite. J’aurais pu louer celle-là directement mais je n’osais pas, je trouvais ça grand. Ça me semblait un projet trop fou ! (Rires) Il me fallait un petit truc pour démarrer, me créer une clientèle, voir si ça marchait et me dire un jour « bon, ok, j’ai l’assise financière pour louer la boutique d’à côté ! » C’est une étape de passer d’un commerce en ligne et quelques revendeurs à une boutique physique ! Donc je suis installée dans cette boutique, plus spacieuse, seulement depuis mi-avril 2021. On a décoré, passé un petit coup de peinture, posé la tapisserie, et mon mari a construit l’établi et les meubles !

 
sissi-6.jpg
 

J’avais commencé par m’auto-former en ligne, en regardant des tutoriels, etc. C’était une période à laquelle j’allais très souvent à Paris, donc je regardais énormément les vitrines de bijoux de créateurs. Je regardais ce qu’ils faisaient, comment ils le faisaient, j’ai beaucoup appris également de cette manière-là. Au bout d’un an, je suis allée suivre un stage d’initiation à la création de bijoux à l'École Tané à Ploërmel. J’ai commencé à apprendre le métier de bijoutier. Quand j’ai quitté mon boulot, j’ai suivi une formation longue avec une bijoutière à Dinan, pour maîtriser toutes les techniques de création. Et en fin d’année 2021, je vais apprendre la gravure du métal.

Tout est arrivé sans que je ne me mette aucune pression. Mon mari, qui est artisan aussi, me soutenait à fond. Il voyait bien que dans mon travail, j’étais arrivée au bout. J’étais soutenue également par mon équipe, dont j’étais la directrice. Ça n’a pas été simple pour moi de partir, mais tout le monde me disait que c’était une évidence, que j’étais une créative dans l’âme… et ils me le disent tous encore ! (Rires) Mes parents ont flippé par contre, mais je crois que c’est normal. (Rires) Et puis je ne prenais aucun risque finalement : en prenant un congé sabbatique d’un an, si ça ne marchait pas je retrouvais mon boulot, mon salaire… je n’avais aucune pression. J’avais mis de l’argent de côté pour tenir les premiers temps, je prenais zéro risque.

 
sissi-8.jpg
 

Aujourd’hui je crée la plupart de mes bijoux de A à Z :  j’utilise du laiton brut, je les texture, je fais les soudures, la mise en forme, et ensuite j’envoie dans un atelier à Paris pour la dorure et le plaquage. Je fais toujours de l’assemblage mais je tends vraiment vers une création de A à Z. Pour l’assemblage, j’achète les apprêts qui sont déjà plaqués or, le « Gold filled ». C’est une technique américaine de plaquage, qui se traduit par « or plein », c’est la qualité juste en dessous de l’or. C’est une technique particulière de mise en œuvre, ça garantit une couche d’or très épaisse. Les pierres sur mes bijoux sont des pierres fines, je n’utilise que des vraies pierres : quartz rose et fumé, aventurine, jade teintée... Et je ne les achète qu’en France.

Le souci de l’industrie du bijou, c’est que c’est une industrie hyper « sale ». L’extraction d’or, déjà en termes de pollution des sols, est terrible. L’extraction de pierres, c’est pareil. Mais il commence à y avoir une traçabilité sur l’extraction de l’or et sur son raffinage, grâce à des labels comme Fairtrade et Fairmined. Et j’espère que l’on va de plus en plus vers là !

J’ai des revendeurs dans toute la France. Au début, c’est moi qui les ai contactés, maintenant je suis inscrite sur deux plateformes qui mettent en relation les boutiques avec les créateurs. Ça m’a permis de toucher de nouvelles boutiques, sans avoir à les démarcher, ce qui prend un temps fou. En Bretagne, ce sont principalement des concept-stores ou des boutiques de créateurs.

Au début, je créais des collections : quelques paires de boucles d’oreilles, des bracelets, deux ou trois colliers. Depuis que j’ai la boutique, je travaille moins comme ça : je crée des nouveautés, je les teste en boutique, et si ça marche je les mets sur l’e-shop et sur mon catalogue pro. Avoir une boutique me permet de voir si le bijou plaît aux clients, je fabrique quatre ou cinq pièces, et si je vois que ça marche, j’en fabrique d’autres et je communique dessus. J’expérimente plutôt que de créer des collections. Ça me permet de créer au fil des envies et des idées.

 
 

Il y a deux ans, j’ai participé à un salon du mariage, une mariée est venue me voir et on a beaucoup discuté. Quelques mois après, elle m’a contactée pour me demander si je pouvais lui créer un collier pour son mariage. Donc j’ai conçu le collier pour qu’il s’adapte parfaitement à sa robe, c’est quelque chose qui m’a beaucoup plu ! C’est une autre façon de créer, c’est une conception qui doit s’accorder à la tenue, au style, à la longueur.

L’année suivante, j’ai travaillé pour une autre mariée. Comme je n’ai pas encore communiqué sur ce sujet, souvent ce sont des gens qui me connaissent, ou par le bouche à oreille. Soit on part d’un bijou que je propose déjà, dont on adapte la couleur, la longueur, on ajoute une chaîne de dos, soit on le crée ensemble. J’essaie toujours de concevoir le bijou de manière à ce que la mariée puisse le reporter après. La chaîne de dos, par exemple, est toujours amovible, ce qui permet de reporter le collier au quotidien.

Quand des mariées me contactent, je leur demande une photo de la robe et, également, si elles ont déjà des idées de bijoux. On voit ensuite ce dont elles ont envie en termes de forme, de couleur et je leur fais des propositions. Une fois que c’est validé et que le bijou est fabriqué, je l’envoie pour qu’il puisse être essayé avec la robe et vérifier que tout s’accorde bien.

Idéalement, il faut me contacter environ six mois avant le mariage : le temps de créer le modèle, que la mariée le valide, que je l’envoie en dorure (ce qui peut prendre un mois), il vaut mieux s’y prendre un peu à l’avance. D’autant plus s’il y a des demandes spécifiques comme une pierre en particulier, la taille, etc.

 
Sissi100fils 3.jpg
 

Quand je crée un nouveau bijou, je fais des essais de forme etc. et puis à un moment, ça y est, j’ai le cœur qui bat et je me dis que c’est la forme parfaite ! (Rires) J’adore ce sentiment. C’est ce que je recherche vraiment : l’émotion lors de la création. J’écoute énormément de podcasts, donc pendant des heures, quand je crée, je suis comme coupée du monde. Je suis vraiment imprégnée de ce que je fais, et j’adore ça, je peux y passer des heures et des heures.

Une fois, une jeune cliente a essayé un collier, et j’ai vu dans ses yeux quand elle s’est regardée dans le miroir qu’elle avait un vrai coup de cœur. Je trouve ça génial quand ça arrive. C’est tout ça que je recherche, de la création à la vente : l’émotion. Ce n’est pas tellement la vente en elle-même qui me plait d’ailleurs, c’est toute la partie en amont, la création du bijou : de la réflexion à l’aboutissement, quelle satisfaction ! »

 
Sissi100fils 5.jpg
Sissi100fils 6.jpg
 

Les prestataires recommandés par Sandrine :

  • Poppy Blossom : Photographe, “je travaille avec elle, je l’adore en tant que personne, et j’adore ses photos!”


Sissi100fils - Bijoux

8, Place des Otages

29600 Morlaix

Retrouvez son univers et sa boutique en ligne ici.

Vous pouvez également la suivre sur Instagram et Facebook !!


 

Photos par Mathieu Alemany.

Photos de mariées par Yves Quéré et Poppy Blossom.